La position corps comme préalable à la philosophie

Publié le par Jahman

La position corps comme préalable à la philosophie

Je crois que les philosophes occidentaux ont sous estimés l’importance accordée à la position du corps. C’est là tout le mérite des philosophies orientales, tel le taoïsme, qui, à l’inverse de leurs consœurs, ont su insérer le corps, la dimension spatiale de l’homme dans leur « vision du monde ». En effet, les philosophies orientales, chinoises, et particulièrement le taoïsme, sont fondées sur la correspondance microcosme / macrocosme. Le corps humain est un tout qui trouve sa place dans le corps universel. Les deux mondes sont interdépendants et, de ce fait, le corps humains doit se trouver en harmonie avec l’Univers, le corps universel. Pour parvenir cette harmonie, le taoïsme préconise une grande variété d’exercices mais surtout, il pense l’homme et l’univers comme une structure ordonnée selon des lois déterminées.

Personnellement, je pense qu’il est de prime importance de prolonger le corps humain vers celui de l’univers, concrètement de tirer la tête vers le haut afin de permettre au corps d’intégrer son orbite qui le place dans l’axe de l’univers. Le fait de prolonger, d’axer la partie sur le tout permet la réintégration cosmique, le retour (fan). A mon sens, le plus important est ce prolonger de l’axe du corps vers celui de l’univers, cet étirement de toute la verticalité corporelle, cette position des membres du corps humain, cette « axatation » modelée sur l’univers. Des pieds à la tête, le corps doit être droit, la ligne verticale doit se redresser de telle sorte que les pieds s’enracine dans la terre, s’ancre sur l’axe horizontal inférieur et que la tête pointe vers le ciel, s’étire et se prolonge vers le ciel, se fixe sur l’axe horizontal supérieur. Ainsi, l’homme médian et médiateur du ciel et de la terre trouve sa place dans l’univers, place de l’« entre-deux ». L’homme est ce qui relie les deux Absolus (qui ne sont pas pour autant relatifs), l’alpha et l’oméga, l’origine et l’accomplissement, la naissance et la mort – Dieu étant l’Un, les deux Absolus. S’il y en a deux, c’est que l’homme est au milieu, séparé de l’Un et toute sa fonction, tout son sens est de relier. L’homme relie, l’homme est religieux, sa structure métaphysique est la relation. Dieu est la relation (cf. Lanza del Vasto et Thomas d’Aquin). La loi existentiel de l’homme est l’ordre divin : la relation.

Or, toute philosophie occidentale s’est irrémédiablement fourvoyée en faisant du corps un élément perturbateur, un obstacle sur la voie de la vertu. Les philosophies grecques, dans leurs « exercices spirituels » et leurs cosmogonies, leurs physiques faisaient encore une place à la matière et au corps, mais cette place s’est vue de plus en plus dévalorisée jusqu’à sombrer dans l’oubli. Or, le corps est essentiel à la philosophie : ne pas s’en préoccuper, tenter de l’évacuer, de l’oublier est un grave leurre tant sur le plan purement intellectuel, théorique que sur le plan spirituel, existentiel. Pour le dire un peu brusquement : on ne peut penser « convenablement » sans axer son corps sur celui de l’univers, sans tirer le tête vers les étoiles et les poser fermement les pieds sur la terre. Il s’agit d’un préalable nécessaire à toute activité philosophique, de méditation sur l’ordre, la loi, la Vérité au fondement du monde et de l’homme. L’activité de la connaissance est ainsi intrinsèquement liée à la position du corps. Cela ne s’invente pas. La contemplation du mystère demande et appelle une position corporelle ordonnée à celle de l’univers – la partie dépendant du Tout. Pour penser « convenablement », il nous faut préalablement équilibrer le corps, avoir les pieds sur terre, tirés vers le bas et la tête dans le ciel, tiré vers le haut, les yeux dans les étoiles. Ainsi, le bas du corps retourne à la terre-mère, la partie corporelle s’unie à la terre, et le haut du corps retourne au ciel-père, la partie spirituelle s’unie au ciel. Cet équilibre, cet bi-unité corps-esprit, donne à l’homme total la possibilité nécessaire à son élévation, les conditions favorables à l’activité philosophique proprement dite (sens restreint, pauvre).

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Q
<br /> <br /> Maurice Merleau Ponty n'a-t-il pas redonné ses lettres de noblesse dans la philosophie occidentale ? <br /> <br /> <br /> <br />
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